
Un an après l’ouverture du chantier sur l’usage de la contention et de l’isolement, la Fondation John BOST entre dans l’Acte 2 de sa réflexion collective. Il est temps de nommer la réalité, de se questionner sur nos pratiques et de prendre de la hauteur pour comprendre et faire évoluer les pratiques.
C’est ensemble, avec tous les professionnels, que cette nouvelle page de la Fondation John BOST va s’écrire. Les échanges, les retours et les questionnements nous amènent à repenser les postures et à ajuster les décisions.
Isolement et contention : quel avenir dans les établissements de la Fondation ?
Le Dr. Pierre Chanseau, Directeur médical à la Fondation John BOST, a ouvert le débat avec cette question fondamentale :
Peut-on encore penser le soin avec l’isolement et la contention, ou devons-nous les exclure définitivement de nos pratiques ?
Les établissements de la Fondation John BOST accueillent des patients présentant des troubles psychiatriques et des troubles du neurodéveloppement avec des comportements complexes. Nous sommes confrontés à des situations où la souffrance s’exprime intensément, et où la décision d’une contention doit être prise en dernier recours.
Dans ce cas et si une telle décision s’impose, elle doit être encadrée par des repères juridiques et cliniques solides. À la Fondation John BOST, l’évaluation est pluriprofessionnelle, afin de garantir une approche éthique et réfléchie. Il est essentiel de tracer ces pratiques, de documenter chaque alternative envisagée et de justifier chaque décision.
Ce travail nous permet de dédramatiser ces situations et de leur donner du sens, tout en renforçant la qualité de l’accompagnement et du soin.
Psychiatrie et libertés individuelles : repenser les pratiques

L’intervention d’Yvonne Quenum a mis en lumière les pratiques restrictives de liberté qui existent dans de nombreux établissements. En psychiatrie, le soin sans consentement est autorisé et encadré, mais d’autres restrictions sont encore insuffisamment régulées :
- Administrations forcées de traitements
- Limitation de la liberté d’aller et venir
- Contrôle du tabac,…
Depuis 2017, l’actualisation des soins sans consentement a permis d’encadrer certaines pratiques, mais il reste des disparités importantes entre les établissements. Des études quantitatives ne démontrent aucun bénéfice avéré de la contention, mais révèlent de nombreux effets indésirables, notamment des traumatismes psychiques pouvant compromettre le parcours de soin et de vie des patients.
Un état des lieux national pour éclairer les politiques publiques
Le projet de recherche Ricochet vise à analyser les recours à l’isolement et à la contention dans les établissements de santé afin de comprendre les facteurs de variation et de proposer des alternatives. Il s’articule autour de trois axes :
- Observer les pratiques actuelles pour dresser un état des lieux national.
- Mener des monographies à travers des entretiens et des observations de terrain.
- Étudier les établissements en transformation pour analyser comment ils évoluent vers un moindre recours à la contention.
Les résultats permettront de mieux soutenir les professionnels et d’orienter les politiques publiques vers des pratiques plus respectueuses des libertés individuelles.
Les leviers cliniques pour un soin sans coercition
Plusieurs facteurs favorisent une approche du soin sans isolement ni contention :
1. La relation de soin
- Un accueil bienveillant et des échanges réguliers avec les patients.
- La négociation et la confiance comme piliers du soin.
- L’autonomisation des patients pour éviter la passivité et l’ennui.
2. Le collectif de soins
- Une approche pluriprofessionnelle qui inclut médecins, infirmiers, éducateurs et autres professionnels.
- Une dynamique horizontale, où chaque professionnel est responsabilisé et impliqué.
3. Le cadre de vie et l’environnement
- Un milieu apaisant, avec des espaces ouverts et des activités adaptées.
- Une architecture pensée pour réduire la tension et favoriser l’échange.
L’objectif est de promouvoir une culture du soin centrée sur la prévention, où la prise de risque est acceptée comme partie intégrante de la vie et où l’erreur est un levier d’apprentissage.
Entre droit et éthique : un équilibre fragile

L’intervention de Pr. Vialla a rappelé les tensions juridiques qui existent entre sécurité et liberté.
Le droit encadre la restriction des libertés, mais dans la pratique, certaines habitudes deviennent des normes implicites, sans réel cadre légal. Pourtant, la contention et l’isolement posent des questions éthiques et pénales majeures :
- S’agit-il d’une séquestration ou d’un état de nécessité ?
- Ces mesures sont-elles vraiment thérapeutiques ou pallient-elles un manque de personnel ?
En France, en 2022, un tiers des patients hospitalisés sans consentement ont été placés en isolement, et 29 % d’entre eux ont subi une contention mécanique.
Des modèles étrangers montrent qu’il est possible d’adopter d’autres stratégies, où l’isolement est remplacé par un accompagnement plus humain, dans des environnements plus ouverts.
Un cadre réglementaire à respecter :
La loi du 22 janvier 2022 impose désormais qu’une décision d’isolement soit motivée par un psychiatre, la considérant non plus comme un traitement, mais comme une mesure de sécurité.
La loi du 8 avril 2024 prévoit quant à elle que le contrat de séjour puisse inclure une annexe sur les mesures de restriction nécessaires, assurant ainsi un cadre clair et transparent pour le patient et ses proches.
Conclusion : un chantier collectif et évolutif
Ce deuxième acte marque une nouvelle étape dans notre réflexion sur la contention et l’isolement.
Nous devons continuer à expérimenter, à questionner et à ajuster nos pratiques pour garantir un accompagnement et un soin plus humain, plus respectueux des libertés individuelles et plus efficace sur le long terme.
Peut-on accompagner et soigner sans contraindre ?
Peut-on protéger sans enfermer ?
La prise de risque, jusqu’où ?
À nous d’explorer ces pistes, ensemble, pour écrire une nouvelle page de l’histoire de l’accompagnement et du soin.









PÉPITES WANTED
Lors de la journée de réflexion, nous avons pu identifier des « Pépites ». Les Pépites se définissent comme une solution ou une action concrète mise en place au service des personnes accompagnées et des équipes. Une expérience positive et inspirante pour les autres établissements de la Fondation.
Retour sur trois Pépites qui ont retenu l’attention des participants :
- Activité cirque
Nous avons organisé une sortie au cirque avec une résidente qui vivant une période difficile. Tout s’est bien passé. Elle a assisté à un spectacle magnifique avec un petit groupe, ce qui lui a permis de construire un souvenir joyeux. Cette activité a aidé l’équipe à réaliser avec succès un projet qui comportait des risques, de découvrir des aspects des patients qu’on ne connaissait par car nous étions dans un autre contexte, en milieu ordinaire.
- Projet paillettes
Partant des constats que les PPSA étaient principalement centrés sur des objectifs de soin en particulier sur le polyhandicap, cela laissait une impression de manque d’ouverture sur le monde. Nous avons donc imaginé ajouter un projet paillette pour chacun de nos résidents dans leur PPSA. Un projet intégrant les regards croisés famille-pro-personne et centré sur les rêves du résidents, ex : faire un séjour à Walt Disney pour vivre comme tout le monde.
- Tandem Flex
Nous avons participé à un camp ski avec les personnes accompagnées. Ce séjour a permis d’être dans un cadre apaisant, une bulle d’air et un moment d’évasion loin du quotidien pour les personnes. Pour les professionnels, on a assisté à un renforcement du travail d’équipe et une cohésion plus forte entre nous. Ce fut un moment privilégié dans l’accompagnement, un espace relationnel renforcé avec le patient.